Nous, représentants des organisations de la société civile œuvrant dans le secteur de la pêche réunis à Zarzis le 2 Février 2014, dans le cadre d’un atelier de préparation de la deuxième Conférence des ministres africains de la Pêche et de l’Aquaculture ( CAMFA) qui se tiendra à Entebbe, en Ouganda du 14 au 18 Mars 2014.
Nous soulignons notre soutien aux structures émanant de l’Union africaine qui s’occupe du secteur de la pêche et aussi à ses partenaires qui œuvre à une exploitation rationnelle et durable des ressources halieutiques.
Nous apprécions la démarche participative du « Partenariat pour la pêche africaine » du NEPAD (PAF) et de l’Union Africaine pour l’élaboration du document de réforme des politiques de la pêche dans le continent africain en invitant les organisations de la société civile à partager leurs opinions et leurs attentes de cette stratégie de réforme afin d’assurer la durabilité de l’exploitation des ressources halieutiques et de maintenir les moyens de subsistance des petits pêcheurs.
Nous adhérons totalement aux recommandations contenues dans la déclaration de Banjul (Gambie) de la société civile sur les moyens d’existence durables en Afrique en prélude à la première Conférence des Ministres Africains de la Pêche et de l’Aquaculture, tenue par le NEPAD le 23 septembre 2010 (Annexe N°1).
Nous appelons le gouvernement tunisien à adopter les recommandations suivantes et les inclure dans le document final qui sera soumis à la deuxième conférence mentionnée ci-dessus.
- La consultation et l’atelier :
Après sa participation à l’atelier de consultation de la société civile africaine tenu à Naivasha, au Kenya les 17 et 18 Décembre 2013, l’Association tunisienne pour le développement de la pêche artisanale (ATDEPA) a organisé une consultation électronique à partir du 13 Janvier 2014 (Affiche voir Annexe N°2).
Plusieurs associations tunisiennes ont été informées à travers l’emailing et les réseaux sociaux afin d’exprimer leurs opinions sur la révision des politiques de pêche en Tunisie et dans le continent africain.
De même la Confédération Africaines des Organisations Professionnelles de la pêche Artisanale (CAOPA) a organiséeune Consultation en ligne sur la politique de pêche Panafricaine et la stratégie de réforme publié sur son site web http://caopa-africa.org/ au cours des mois de janvier et février 2014.
Les représentants des OSCs africaines sont appelés à répondre aux questions suivantes:
- Comment les pays africains doivent réformer leurs politiques d’allocation de l’accès aux ressources de pêche, pour les flottes d’origine étrangère et pour les flottes artisanales?
- Comment la contribution de la pêche à la sécurité alimentaire devrait être promue dans la réforme de la pêche ?
- Comment mettre en œuvre une participation significative et une transparence dans les pêcheries africaines?
De sa part l’ATDEPA a organisé le 2 Février 2014 en collaboration avec l’Association le « pêcheur » pour le développement et l’environnement à Zarzis (Tunisie) un atelier de travail sur la réforme de la politique de pêche en Tunisie. Des représentants des associations suivantes ont participé à cet atelier (Annexe N°2) :
• Association le « pêcheur » pour le développement et l’environnement
• Association tunisienne pour le développement de la pêche artisanale
• Les syndicats de la pêche côtière et artisanale de l’Union Tunisienne de l’Agriculture et de la Pêche.
• Groupement de développement de la pêche d’Ajim(Djerba)
• Groupement de développement de la pêche de Houmet Souk (Djerba)
• Groupement de développement de la pêche de Ghannouch (Gabés)
• Association Jilij de l’environnement marin (Djerba)
• Association pour la sauvegarde de l’île de Djerba
• Association de Défense du pêcheur de Ghannouch(Gabés)
• Société mutuelle de base des Services de pêche à Médenine
- Déroulement des travaux
La cérémonie d’ouverture a été présidée par Mr Chamseddine Bourassine Président de l’Association le « pêcheur » pour le développement et l’environnement qui, dans son allocution a salué la coopération avec l’UA-NEPAD pour la réforme des politiques de pêche. Il a aussi rappelé sur la gravité de la situation des pêcheries africaines qui souffre des pressions exercées par plusieurs activités économiques dont notamment les flottes de pêche industrielles nationales et étrangères.
Quatre exposés thématiques ont été présentés au cours de l’atelier pour enrichir les discussions des participants :
- . La pêche artisanale en Afrique et le rôle de la société civile dans la protection des ressources côtières : présenté par Mr. Fathi Naloufi représentant du Groupement interprofessionnelle des produits de la pêche.
- Le rôle des sociétés mutuelles de services de pêche dans l’encadrement des professionnels et l’écoulement de leurs productions : présenté par Mr. Mohammed Kazzouz directeur de la Société mutuelle de base des Services de pêche à Médenine
- Renforcer des capacités des organisations professionnelles de la pêche artisanale en Tunisie et en Afrique du Nord et la création de la plateforme régionale présenté par Mr. Naoufel Haddad Secrétaire Général de l’Association tunisienne pour le développement de la pêche artisanale.
- Révision des politiques de la pêche en Tunisie et dans les pays africains présenté par Mr. Naoufel Haddad.
Les propositions recueillies à travers la consultation électronique ont été présentéaux participants (Annexe N°3).
À la lumière des discussions qui ont eu lieu entre les participants et après synthèse des différentes propositions, il a été conclu les recommandations suivantes:
- Les recommandations:
Gouvernance et participation des petits pêcheurs
- Nous appelons tous les intervenants du secteur de la pêche à reconnaître l’importance de la pêche artisanale au niveau social, économique et culturel. Ainsi il est recommandé d’appuyer son développement lors de la mise en œuvre de la stratégie de développement du secteur,
- Nous exprimons notre mécontentement à l’égard des politiques de l’État dans le secteur qui sont parfaitement alignés pour encourager les gros producteurs au détriment des petits pêcheurs. Par conséquent, nous demandons d’assurer des conditions de travail décentes pour une vie décente par la création d’un « fond national pour le développement de la pêche artisanale ». Ce fond soutiendra les sources de revenu des 36 mille familles (plus de 66 % des travailleurs dans le secteur) et contribuera également à la relance des méthodes traditionnelles de pêche (pêcherie fixe avec les feuilles de palmier).
- Nous recommandons la mise en place d’un mécanisme de coopération entre l’administration et la société civile pour reconstruire les ponts de confiance entre eux. Nous demandons la modification des textes juridiques qui font obstacles à la participation des associations des petits pêcheurs pour prendre leurs juste part dans les structures de décision dans les différents domaines de leurs activités.
- Nous recommandons la révision de la gouvernance actuelle du secteur pour faire participer toutes les associations de la pêche artisanale dans le processus de formulation et d’application des politiques favorisant une exploitation durable des ressources halieutiques . Nous demandons, ainsi, la création du » Conseil supérieur de pêche » dont les dispositions réglementaires ont resté longuement lettre morte.
- Nous recommandons la création d’un ministère de la pêche et de l’aquaculture afin de prendre soin de tous les aspects du secteur et en particulier l’encadrement socioprofessionnelle des petits pêcheurs,
- Nous vous recommandons de faciliter l’accès à tous les données du secteur de la pêche et en particulier les résultats des recherches scientifiques, de statistiques et des formalités et décisions administratives,
Réglementation et Gestion des ressources halieutiques
- Nous recommandons de revoir la législation tunisienne régissant la pratique de la pêche qui n’est plus à la hauteur des efforts internationaux pour garantir une exploitation rationnelle des ressources halieutiques dont le Code de conduite pour une pêche responsable et ses directives techniques pour sa mise en œuvre .
- Nous recommandons de revoir les dispositions relatives aux conditions techniques de construction des unités de pêche afin de permettre aux petits pêcheurs de renouveler leurs embarcations d’une part et l’arrêt de l’attribution de nouvelles autorisations de construction des chalutiers en remplacement des unités vétustes . Nous demandons l’application de la proposition visant à réduire le nombre de chalutier dans le golfe de Gabés en attribuant des primes de compensation aux armateurs qui démolies leurs unités ou change d’activité. Ces primes peuvent être octroyées du Fonds de repos biologique. Ce fond, où tous les pêcheurs y contribuent, doit financer les programmes visant à protéger les ressources côtières et la réduction de l’effort de pêche.
- Nous recommandons de donner la priorité dans l’exploitation des zones marines côtiers à la pêche artisanale tel que recommandé dans le Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO (paragraphe 6.18 voir Annexe 4). Cette disposition diminuera les conflits d’usage entre la pêche industrielle et la pêche artisanale. Donc, nous demandons une zone de pêche réservé à la pêche artisanale large de 2 mile au nord et l’ouest et atteignant les profondeurs de 20 m dans les golfes comme indiqué dans la carte jointe (Annexe N°5). Cette zone sera sous contrôle rigoureux par les autorités compétentes pour interdire toute opération de pêche illégale qui encourent des sanctions sévères. Ces sanctions doivent être répulsives atteignant la confiscation du navire et le retrait définitif du brevet de commandement.
- Nous recommandons la révision des dispositions juridiques qui régissent les zones de mouillage réservées aux chalutiers dans le Golfe de Gabés afin de réduire leurs surfaces et à obliger les capitaines de pêche à informer les autorités de surveillance à l’entrée et à la sortie de ces zones (Annexe N°6).
- Nous recommandons d’adopter une réglementation à part pour la pêche de plaisance et sportive afin de limiter son impact sur la ressource.
- Nous encourageons la réalisation des programmes de préservation des ressources et le contrôle en mer et notamment le suivi des activités des navires de pêche par satellites,
- Nous recommandons d’affecter une part du quota national de la pêche du thon rouge aux unités des petits pêcheurs afin qu’ils puissent cibler cette espèce de poissons,
- Nous recommandons l’adoption de la cogestion des pêcheries côtières en renforçant les capacités des partenaires en premier lieu et la formation des comités régionales représentés par l’administration, la profession , la recherche scientifique et la société civile ,
- Nous recommandons la participation de la profession dans le contrôle des navires étrangers dans les eaux sous juridiction tunisienne et en particulier le chalutage dans le plateau continental,
Promotion socio-économique des petits pêcheurs
- Nous recommandons la révision du régime de la sécurité sociale des pêcheurs en instaurant un régime spéciale pour les petits pêcheurs qui prendra en compte la fragilité de leurs revenus du à leurs activités très saisonnière. Nous proposons également que la cotisation sociale soit retenue du montant des ventes de leursproductions.
- Nous appuyonsles expériences de diversification des revenues des familles des pêcheurset nous souhaitons leurs faciliter l’exercice de l’artisanat et de l’agriculture à petite échelle pour couvrir leurs besoins lors des arrêts de leurs activité de pêche du aux conditions climatiques ou à la pollution.
Services portuaires et administratifs
- Nous recommandons l’appui des pêcheurs lors des conflits d’usage du littoral avec certaines activités économiques en leurs donnant la priorité à exploiter des espaces du littoral pour l’entreposage de leurs équipements et l’accès à la mer.
- Nous recommandons de fournir les services nécessaires dans les différents sites naturels de débarquement des unités de la pêche artisanale. Ces services comprennent des quais de débarquement, marché de ventes du poisson, locaux de dépôts des filets, approvisionnement en carburant …
- Nous recommandons aux administrations de développer des services de proximité au profit des pêcheurs isolés dans les sites naturels. Nous demandons également de faire bénéficier les pêcheurs artisans de la prime de production et notamment la subvention de carburant pour l’usage des moteurs Hors-bords à essence.
Coopération avec les pays voisins et les organisations internationales
- Nous recommandons de soutenir les efforts de la société civile en vue de ratifier les « directives volontaires pour garantir des pêches artisanales durables » au cours de la prochaine réunion du Comité des pêches (Juin 2014).
- Nous recommandons l’instauration d’un repos biologique en méditerranée et la coopération avec les pays riverain pour le contrôle les unités de pêche violant cette mesure.
- Nous recommandons le renforcement de la coopération bilatérale et régionale pour la gestion efficace des ressources halieutiques partagées et la protection des écosystèmes. Nous appelons à l’expansion des eaux sous juridiction tunisienneset la création de zones de pêche réservées et partagés avec les pays voisins à l’égard des expériences de certains pays africains,
Préservation de l’environnement marin
- Nous recommandons la création des aires marines protégées dans les zones côtières (telque la zone de Ras RmelDjerba) et l’élaboration des plans de gestion permettant aux pêcheurs autochtones de pratiquer une pêche responsable et la participation dans la structure de gestionde l’aire marine protégée ,
- Nous recommandons de multiplier les efforts pour réduire la pollution marine provenant des unités industrielles et des stations d’épuration et de dessalement de l’eaude mer.
- Nous recommandons la réalisation d’une étude de la bande côtière afin d’identifier des zones à aménager en récifs artificiels en impliquant toutes les organisations de la pêche artisanale dans les zones ciblées. Nous demandons que l’immersion des récifs artificiels soit suivie par les représentants des pêcheurs pour assurer la bonne exécution du programme de protection de la zone de la pêche artisanale,
Recherche scientifique appliquée
- Nous recommandons de mettre en place un programme de recherche et des études scientifiques dans les divers domaines de la pêche artisanale en Tunisie telque : développement de techniques de pêche sélectives, maîtrise de l’énergie, le développement de l’aquaculture à petite échelle, valorisation des produits de la pêche, promotion socio-économique …
- Nous recommandons l’amélioration des statistiques touchant les différentes activités de la pêche en modernisant l’administration et l’usage des TIC,
Développement des capacités des petits pêcheurs et l’appui à l’organisation
- Nous recommandons le soutien de toutes les organisations de la pêche artisanalespour s’unir dans le cadre d’une plateforme nationale afin de développer les capacités de leurs adhérentset d’assurer la participation au niveau national, régional et international,
- Nous recommandons la révision des textes juridiques régissant les structures de services pour les pêcheurs tels que le groupement de développement de la pêche et la société mutuelle de base de services de pêche. Ces structures doivent permettre aux petites communautés de créer leurs structures à l’égard des coopératives qui leurs permettent de réaliser des opérations commerciales aux profits de leurs adhérents.
Les participants ont exprimé leurs remerciements et gratitude aux organisateurs de cet important atelier en saisissant l’occasion de faire appel à toutes les structures des petits pêcheurs pour se rallier à l’initiative pour la création d’une plateforme des associations de pêche artisanales en Tunisie .
Animateur et rapporteur de l’atelier Naoufel Haddad